
Pourquoi aimons-nous la neige ?
La neige apparaît autour de nous par la réunion de deux éléments très présents en montagne et dans la vie courante, l’eau et le froid. On peut avoir l’une sans l’autre, mais leur conjonction à un instant t permet l’apparition de cette matière nouvelle solide et douce, vaporeuse, impalpable, énigmatique, enchanteresse.
La légèreté de cette matière, qui tombe délicatement du ciel nous replonge dans les rêveries de l’enfance. Neige, froid, hiver, Noël, cadeaux... autant de mots irrémédiablement associés en un chapelet de graines toujours prêtes à germer.
Mais bientôt, le délicat cristal qui tombe du ciel animé, d’un curieux mouvement de balancier et absorbant les sons, finit dans un état lamentable, méconnaissable, à l’état de purée innommable, boue qui n’a plus rien de commun avec la délicatesse de sa première apparition, ni sa forme gracieuse, ni sa couleur immaculée.
Pour l’alpiniste, la neige n’est pas toujours synonyme de joie enfantine ! Il sera parfois dépité de constater depuis le palier du refuge qu’une gangue blanche commence à recouvrir chaque relief, le contraignant à s’adapter à cette nouvelle péripétie. Souvent il retournera se coucher quelque temps, parfois il restera dans le refuge dépeuplé, attendant que le ciel dévoile un coin de ciel bleu, observant les meringues qui auront poussé sur les sommets, si les nuages consentent à se déchirer. S’il doit renoncer, il fera l’inventaire des couches dont il dispose pour rejoindre la vallée, il partira d’un bon pas, espérant que la neige ne tombera pas trop drue et que la pluie ne lui succédera pas trop vite.
La neige n’entraîne pas toujours le renoncement. Sa présence dans certaines courses apporte du piment. On peut pratiquer la montagne par mauvais temps, particulièrement les courses de neige de faible envergure ou les escalades de cascades de glace dont la nature n’est pas im- médiatement modifiée par sa présence.
Quand un tourbillon glacé entoure l’alpiniste, son pas est entravé, encombré, ralenti par une neige fraîche et fuyante comme du sable sans cohésion. Il n’est pas rare de devoir tracer un chemin dans une pente, le corps pour tout chasse-neige. Trouver un appui stable et franc devient un jeu d’équilibriste ou de terrassier, il faut cogner du pied. Dans ces conditions, les beaux flocons ne sont plus si aimables et nous font regretter la neige transformée, carapace de sucre glace durcie par le travail des rayons du soleil et du vent du nord ou du froid d’une nuit étoilée.
À retrouver dans l'abécédaire de Marco Troussier, « Pourquoi nous aimons gravir les montagnes ? »
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